HISTORIQUE


Les ponts de CUMIERES

C'est en novembre 1832 que, par une délibération de son conseil municipal, la commune de CUMIERES demande à être dotée d'un pont sur la Marne, comme il vient d'en être construit à Dormans.

 

Les dix propriétaires les plus imposés sont invités à discuter avec le conseil municipal "de l'opportunité ou de l'inopportunité de cette proposition et, dans le cas où elle serait accueillie, aviser aux moyens de couvrir dépense".

 

Depuis un temps immémorial "les besoins d'un pont se font ressentir pour éviter l'usage d'un bac difficile et dangereux lors des différents travaux sur la rive gauche de la rivière et pour faciliter le transport des riches produits des vignobles de la rive droite de la Marne vers la ville d'Epernay".

Le 7 septembre 1868 on trouve dans le bulletin des lois de la République Française, volume 31 à la page 540, le Décret Impérial N° 16330 qui mentionne :

 

Art 1 - Est déclaré d'utilité publique l'exécution, par la commune de Cumières, des travaux de construction d’un pont sur la Marne […] en remplacement du bac actuel […].

Art 2 – La commune de Cumières est autorisée à emprunter […] à un taux d’intérêts qui n’exede pas cinq pour cent […] la somme de 45.000 francs, remboursable en vingt neuf années, à partir de 1868 […]

Art 3 : Il sera pourvu aux frais de construction du pont et de ses dépenses, au moyen :

-          D’un emprunt à contracter par la commune de Cumières….45.000 francs

-          De souscriptions particulières….13.670 francs

-          D’une subvention imputable sur les fonds de l’Etat…..20.000 francs

-          De prélèvements sur les sources vicinales de 1868, 1869, 1870….6.344 francs

Art 4 : La commune de Cumières est autorisée à acquérir, soit à l’amiable, soit, s’il y a lieu, par voie d’expropriation, les immeubles ou portion d’immeubles dont l’occupation est nécessaire pour l’exécution des travaux.

Art 5 : A compter du jour où le passage du pont sera livré au public, et jusqu’à l’expiration du terme fixé, la commune est autorisée à percevoir un péage conformément au tarif ci-après :

-          Une personne chargée ou non chargée, à pied, à cheval, ou en voiture……5 c

-          Cheval ou mulet chargé ou non chargé, non compris le cavalier….10 c

-          Bœuf, vache ou taureau   5 c

-          Ane chargé ou non chargé   5 c

-          Veau, mouton, bélier, brebis, chèvre, bouc, porc   3 c

-          Oie, dindon   1 c

-          Charrette à bras ou brouette trainée par une personne 10 c

-          Chaque personne en sus   5 c

-       Voiture d’exploitation à un cheval ou à deux ânes ou deux bœufs, non compris le conducteur   15c

-          […]

Tout cheval ou mulet dételé pour diminuer le droit de passage paiera le même droit que s’il fût resté attelé.

Les droits seront réduits de moitié pour les animaux allant aux pâturages et pour les équipages employés aux labours, aux semences, au transport des engrais ou à la rentrée des récoltes

Art 6 : Seront exempts des droits de péage :

  • Le préfet du département, le sous-préfet de l’arrondissement, ainsi que leurs gens et leurs voitures.
  • Les ministres des différents cultes reconnus par l’Etat, les magistrats de l’ordre judiciaire dans l’exercice de leurs fonctions et leurs greffiers.
  • Les ingénieurs et les conducteurs des ponts et chaussées, les agents voyers, les cantonniers, les employers des contributions indirectes, les agents forestiers, les préposés et agents des douanes, les employés des lignes télégraphiques, les commissaires de police, les gardes champêtres, la gendarmerie dans l’exercice de leurs fonctions.
  • Les militaires de tout grade voyageant en corps ou séparément, à charge par eux, dans ce dernier cas, de présenter une feuille de route ou un ordre de service ;
  • Les courriers du Gouvernement, les malles porte, les facteurs ruraux
  • Les pompiers et les personnes qui en cas d’incendie, iraient porter secours d’une rive à l’autre, ainsi que le matériel nécessaire
  • Les élèves allant à l’école ainsi qu’à l’instruction religieuse ou en revenant.

-          […]

  • Les prévenus, accusés ou condamné conduits par la force publique, ainsi que leur escorte.

En fait, ce décret n'eut aucun effet, car la guerre de 1870 anéantissa tout les espoirs de voir ce projet se réaliser.

Ce n'est qu'en 1872, après bien des palabres et lenteurs administratives, que le pont est construit. Il est étroit, 4 m environ, plus les trottoirs, mais la circulation de l'époque n'en demandait pas plus.

Il est d'un style classique du moment, mais très harmonieux avec ses trois arches reposant sur deux piles au milieu des eaux.

En 1914, c'est la guerre, l'avance foudroyante des Allemands lui est fatale, et il saute le 12 septembre.

Ce n'est qu'en 1920 qu'un nouveau pont provisoire va permettre la circulation de CUMIERES vers Epernay ; un pont suspendu par le milieu au moyen d'énormes câbles d'acier reposant sur quatre piles d'éléments d'assemblage en fer de 10 mêtres de hauteur, installés sur les berges et arrimés au sol 15 mètres au-delà du tablier. C'est un pont fragile qui vibre sous les charges, et qui ne peut durer bien longtemps...

C'est pourquoi en 1924, une construction sérieuse est entreprise sous les auspices des dommages de guerre. Ce sera cette fois, un pont moderne, comme il s'en construit beaucoup à l'époque, c'est à dire suspendu par des tirants à une arche énorme de ciment armé enjambant toute la largeur de la Marne, et reposant sur des blocs de béton à 6 mètres de profondeur sur chaque rive de la Marne.

Le 24 janvier 1925 le préfet LANGERON, accompagné des députés G. POITTEVIN, P. MARCHANDEAU, les ingénieurs et les membres du Conseil Municipal, visitent le chantier de construction. Les arches de bois qui vont soutenir la grande arche de béton sont terminées il ne reste qu’à couler le ciment…

Tout sera terminé le 30 août 1925 pour l’inauguration officielle cette fois, par Mrs Pierre LAVAL, Ministre des travaux publics, Jammy SCHMIDT, sous-secrétaire d’Etats aux régions libérées, assistés de Mr BOURGUIGNON, représentant le Président du Conseil, Mr le Préfet de la Marne et les Parlementaires locaux.

Ce magnifique pont de l’entre-deux guerres ne durera que 15 ans.

Le 10 mai 1940, les armées allemandes se désintéressent de nos fortifications et envahissent de nouveau la France par les Pays-Bas et la Belgique. Le pont de Cumières, à l’aide d’une charge énorme d’explosifs, saute une fois de plus, en dévastant les habitations environnantes sur une surface de 50 ares environ. Cumières est de nouveau privé de sa voie de communication avec le Sud et avec Epernay en particulier. Un bac est remis en place à 100 mètres en aval des ruines de l’édifice, et va fonctionner tant bien que mal, jusqu’en 1945.

Le pont que nous connaissons maintenant à été mis en chantier en août 1947 par l’entreprise MONOT de Paris, il est l’œuvre de l’architecte CAQUOT et de l’ingénieur HUSSON. Avant et pendant les travaux, une passerelle en bois, reposant sur des pieux fixés dans le lit de la rivière, avait été mise en place pour remplacer un bac dangereux et incapable de suivre le rythme des passagers. Constitué d’un béton armé de 180 tonnes de fer, 1800 tonnes de sable de Moselle, et 500 tonnes de grève de Marne, le nouveau pont aura 73 mètres de longueur entre les deux blocs d’appui.

L’altitude du point central sera à 8 mètres au-dessus du niveau normal de la Marne, et l’ouverture libre entre les deux berges sera de 66 mètres environ. La chaussée aura 6 mètres de largeur, avec deux trottoirs de 1 mètre chacun.

Contrairement à son prédécesseur, la grande arche de soutien passe sou le tablier de circulation et dégage complètement la vue aux usagers de ce bel ensemble architectural.

L’inauguration de ce nouveau pont eut lieu le 28 mai 1949 en présence des autorités départementales, du Conseil Municipal de l’époque, et de l’architecte.

Ce qui frappe le plus dans cette nouvelle œuvre, c’est la légèreté, l’élégance, et la finesse de l’édifice qui, nous l’espérons tous, ne souffrira plus de ces folies meurtrières et dévastatrices, qui prenaient les hommes tous les vingt ans, et restera une belle réalisation digne du site et de la renommée du village.